
Témoignage N°11 – Charlotte & Bruno
14/08/2025Témoignage N°12 - Yann
Le projet "Cœur de Socios" vise à recueillir et partager les témoignages émouvants des supporters du FCSM, avec l'objectif de publier un recueil de 100 portraits pour célébrer les 100 ans du club en 2028.

Yann : La nostalgie comme moteur
Yann a 48 ans, originaire de Montandon, dans le Haut-Doubs, il jouait au poste de gardien plus jeune.
La jeunesse, justement, celle qui lui a permis de découvrir le FC Sochaux, grâce à son papa qui travaillait à la fonderie de Peugeot.
C’est donc vers 4-5 ans qu’il commence à s’intéresser au foot. Malgré son jeune âge, il affiche un certain talent qui lui permet d’intégrer l’équipe des poussins. Plus tard, il ira même jusqu’à participer aux présélections du FC Sochaux mais comme il y a toujours une douzaine de gardiens et qu’un seul est choisi, il ne réussira pas à passer le cap.
Lorsqu’il n'est pas à la maison à écouter le match et pour éviter la rivalité avec ses voisins, supporters de Saint-Etienne, Yann se rend au stade dès qu'il peut pour aller voir le FC Sochaux. Il se souvient du pont arqué en pierre de Montbéliard (qui n’existe plus aujourd’hui). On parle des années 80, avec des noms (et des surnoms) que Yann n’a pas oubliés : Albert Rust, ancien champion olympique qui était titulaire alors qu’il y avait un certain Joël Bats dans les rangs, Bernard Genghini, Franck Sauzée, Franck Silvestre, Stéphane Paille (qu’il aimait au point d'avoir pleuré en apprenant ses problèmes de santé), Stéphane Cassard (un joueur du coin comme il dit).
C'est l’époque où les entraîneurs envoient les joueurs à la chaîne un jour ou deux, pour leur rappeler les valeurs ouvrières du club.
Les matchs de son enfance, Yann les voit en populaires. Dans le vieux stade Bonal, il y a toujours quelqu’un pour le soulever et lui permettre d’atteindre le muret. Parfois, il a droit à des invitations par le comité de Peugeot.
Interviewer Yann c’est un retour dans ces années que les plus jeunes n’ont pas connues. Des moments qu’on imagine magiques mais sans fioritures: un cornet de frites, un jambon-beurre, une ambiance que beaucoup de Sociochaux citent.
Il nous parle des Sochaux-Laval chauds bouillants à l’époque, d’un match Sochaux-Metz au cours duquel supporters messins le protègent d'une pluie battante avec un drapeau, des rivalités lors des Sochaux-Strasbourg, de l’époque de la Division 2 (ancienne Ligue 2) avec plusieurs groupes où Sochaux remporte le groupe B sans perdre un match, avec un fameux 7-1 contre Lyon. Ou encore d’un “et 1, et 2, et 3 zéros” que lui et son pote lancent en tribune pour mettre l’ambiance dans un stade trop calme à son goût alors que Sochaux gagne.
Un public froid nous dit-il en parlant de Sochaux, qui sifflait beaucoup et facilement les joueurs. D’ailleurs, lorsqu’ils jouaient mal, le public leur criait “à la chaîne, à la chaîne”, pour leur rappeler qu’il fallait mouiller le maillot ici, sinon, ils passeraient un jour à l’usine. Les valeurs du club viennent de là, de la chaîne de production de chez Peugeot. Il fallait garder cette mentalité, rappeler aux jeunes d’où le FCSM venait.
Yann parle avec le cœur. Un amour du club qu’il a hérité de son papa (qui pouvait rester 4-5 nuits sans dormir après un match) et étroitement lié à celui qu'il porte à sa région. Il est content, fier d’avoir vécu ces moments-là. On sent comme une nostalgie de cette époque. Il nous montre même une encyclopédie du, je cite, “grand Sochaux” qu’il a toujours avec lui : l’année 1988.
Puis viennent les années 2000, avec leur lot de bons résultats. Le Borussia Dortmund, “c’était la samba dans les tribunes” comme il nous dit. Frau, Pedretti, Santos, “ils mouillaient le maillot ces mecs-là. Ils aimaient le club à fond”. Cette époque lui a permis de transmettre son amour du club au fils de la copine de son papa, qui à l’époque, n’en avait que faire du foot, et qui aujourd’hui depuis la Suisse, continue de suivre Sochaux. Le centre avait une belle notoriété. D’ailleurs, Lilian Thuram a envoyé son fils se former à Sochaux, alors qu’il avait d’autres possibilités, y compris dans de grands clubs européens, sans doute pour justement lui apprendre aussi les vraies valeurs du football.
Quand Peugeot se retire du FCSM, il pense que c'est la fin, même si l'arrivée des nouveaux propriétaires lui fait un temps espérer des investissements. Mais rien ne vient, malgré les promesses de monts et merveilles. Jamais il n'aurait pensé qu’on allait rester plus de 10 ans en Ligue 2, alors qu’on est encore à l’époque le club avec le plus de matchs en Ligue 1. Il a vécu cette époque avec beaucoup de peine pendant un long moment. Ça lui faisait bizarre de ne plus voir le nom de la marque au lion sur les maillots. L’équipe avait changé aussi : il y a bien eu quelques joueurs qui avaient l’amour du maillot, mais la plupart venait juste pour se faire remarquer et partir. Les joueurs du centre partaient rapidement. Des années d’espoirs de remontée qui capotaient à chaque fin de saison et en conséquence, des années où Yann n'allait plus trop au stade. Peu de moments de bonheur durant cette période mais une anecdote sympathique : plusieurs années après avoir rencontré Mecha Bazdarevic lors d’une rencontre par le comité Peugeot, il retrouve ce dernier à la gare de Belfort alors qu’il se dirigeait vers le Qatar. “Bazda”, comme Yann l’appelle, qui vit toujours dans la région et n’a toujours pas perdu son accent, lui a même proposé durant cette rencontre, de s’occuper de son filleul, mineur, durant le voyage en train.
Enfin, arrive l’été 2023. Il a souscrit directement à la levée de fonds des Sociochaux dès qu’il en a entendu parler. C’était impensable de ne pas participer. Il n’a même pas réfléchi. Quand il a entendu que même des personnes comme Jean-Michel Aulas avait pris la parole pour aider le club, il s'est dit “on ne va pas disparaître”. Quand Plessis est arrivé, Yann en a pleuré (de joie cette fois), comme d’autres. “Les larmes ça ne s’invente pas”. Il savait qu’il était impliqué mais ne savait pas que le FCSM pouvait l'émouvoir à ce point.
La DNCG passée, malgré les réticences de Yann sur cette institution, le club peut repartir.
Le fait qu’il ait failli disparaître montre, par la mobilisation, que les gens aiment le FC Sochaux-Montbéliard. Dans cette saison en mode survie, les supporters veulent être les plus positifs possibles. Ils sifflent moins. Même le tifo “bougez-vous” de l’année 2023/2024 c’était plus par peur des fantômes du passé. Rien à voir avec l’époque Nenking faite de langue de bois et de manque de transparence des dirigeants, qui ont fait mal à la confiance.
D’ailleurs, il se veut confiant pour l’avenir car il voit qu’il y a des gens derrière qui veulent aider. Ce n’est pas un “feu de paille” comme il nous dit. La collaboration des associations, des collectivités, etc, a montré qu’ils partageaient cette volonté (“ils ont le FCSM dans le sang” comme il nous dit). Et il y a moins d’intérêts privés. C’est le message qu’il veut faire passer à ceux qui sont en place aujourd’hui : on vous fait confiance.
Lors de notre interview en 2024, Yann aurait aimé que le club remonte, même si les choix faits par le staff s'accompagnaient parfois d'incompréhension pour lui, mais il était confiant pour la suite. Il fallait continuer la machine qui a été relancée en 2023 avec Tanchot.
Cette nouvelle aventure positive pour le FC Sochaux lui a redonné envie d’aller au stade. Son expérience a changé depuis les années 80, mais la ferveur continue. Attention, il ne faut pas que l’arbitre fasse trop d’erreurs devant lui. Encore une chance qu’avec l’âge, et avec un public plus féminisé qu’à l’époque des mains courantes (potentiellement dû au football féminin selon Yann), il ait appris à se retenir. Ça lui arrive toutefois de chanter parfois.
Et si le Yann de 48 ans retrouvait les sensations de son enfance avec ce nouveau démarrage du FC Sochaux ? C’est tout ce qu’on espère pour lui.