
FCSM / Dijon en bus Sociochaux !
08/04/2025Témoignage N°10 - Bertrand
Le projet "Cœur de Socios" vise à recueillir et partager les témoignages émouvants des supporters du FCSM, avec l'objectif de publier un recueil de 100 portraits pour célébrer les 100 ans du club en 2028.

Aux bons souvenirs de BERTRAND
Pour Bertrand, « il n'y a qu'un club, c'est Sochaux ». Cet homme marié et père de deux enfants suit très peu le foot en général. Cela l'intéresse bien sûr, mais à 50 ans, il est dorénavant clair que ce qu'il recherche avant tout, c'est vibrer. Or, avant de revenir habiter dans le secteur de Ronchamp, ce Belfortain d'origine a vécu une dizaine d'années en Alsace : il a réalisé que ces émotions n'étaient pas transposables à un autre club. Jusqu'à présent, il venait voir à Bonal 7 à 10 matchs par an. Cette année, il s'est abonné pour la première fois.
En 1981, il a 8 ans : trop petit lui dit-on, il est déçu de ne pas pouvoir accompagner son père et son grand frère au stade, où se joue un match de Coupe UEFA. Mais en guise de consolation, son paternel lui rapporte une écharpe. C'est avec émotion qu'il parle de cet objet, auquel il tient « comme à la prunelle de [ses] yeux » et qu'il porte encore aujourd'hui à chacune de ses venues au stade.
Rapidement gagné par la passion du club régional, il se crée des souvenirs dans le vieux Bonal, avec ses tribunes non couvertes et le public qui se déplaçait à la mi-temps pour suivre le changement de côté de l'équipe jaune et bleu… ce qui causait souvent des problèmes, l'une des tribunes offrant moins de places que l'autre ! Autre temps, autres règles de sécurité. Lui fréquente surtout la tribune Pesages et ses places debout devant la tribune Forges. Son père l'accompagne, mais n'aime que modérément le football. En revanche, son oncle Christian l'a activement contaminé du virus sochalien. Un « supporter absolu », abonné pendant plus de quarante ans, qui n'hésitait pas à jouer la politique de la chaise vide aux repas de famille lorsqu'on les prévoyait un jour de match !
1987-88 sera sa « saison charnière » comme il le dit, celle qui par son caractère extraordinaire fera définitivement de lui un mordu des Lionceaux. De ses yeux d'adolescent, il regarde la bande à Paille, Baždarević et consorts survoler la Division 2. « C'était incroyable pour les amoureux de foot. En allant au stade, la question n'était pas de savoir s'ils allaient gagner, mais de combien de buts ils l'emporteraient. C'était trop beau ! » Entre autres scores fleuves, il se rappelle la réception du Gazélec Ajaccio, soldée par un 6-0 : un ami de son père, arrivé avec un retard de quelques minutes, avait déjà raté deux buts… Friand de bons moments, Bertrand a également assisté cette saison-là à tous les matchs de la remarquable épopée en Coupe de France, achevée en finale.
Pour Bertrand, Sochaux, c'est avant tout un rapport à la formation. De tout temps, il a ressenti la fierté de voir éclore à un niveau supérieur des talents maison nommés au fil des générations Genghini, Paille et Sauzée, Martin et Boudebouz, Thuram. Il voit dans cette ascension régulière de jeunes joueurs ni plus ni moins qu'une seconde vision du foot, une alternative à celle de l'intérêt pour les clubs à gros moyens. Il sait que s'il fait le compte, il a vécu davantage de saisons « galère » que de bonnes années. A Sochaux, dit-il, on ne gagnera sans doute jamais la Ligue des Champions. Et d'ajouter qu'il s'en porte bien.
Au fil du temps, les noms marquants se sont accumulés. De sa saison fétiche 1987-88, il ressort Philippe Morin. Puis il ne met que quelques dixièmes de secondes à citer Teddy Richert. Côté entraîneurs, Guy Lacombe l'aura marqué, au-delà de la victoire en Coupe de la Ligue, pour avoir ramené l'équipe au haut niveau ; par la suite, il a apprécié Peter Zeidler, malheureusement arrivé selon lui au mauvais moment pour imposer pleinement sa patte.
Il garde des souvenirs forts des grandes rencontres de l'histoire récente du FCSM. Sa première finale au stade de France, la lourde défaite en 2003 face à Monaco, est un « traumatisme ». L'année suivante, alors en déplacement, c'est dans un bar du Puy-de-Dôme qu'il voit les Lionceaux prendre leur revanche sur la Coupe de la Ligue : il se revoit hurler de joie, seul footeux et encore plus seul Sochalien au milieu de regards pour le moins incrédules... En 2007, il confie à son frère le soin de leur trouver des places au Stade de France pour la finale contre Marseille. A la sortie du RER, il remarque que tous les supporters sochaliens se dirigent à gauche, tandis qu'eux doivent aller à droite. Il y a eu erreur sur le choix des places, et les voici seuls maillots jaunes au milieu d'une tribune entièrement marseillaise ! Bertrand garde le souvenir d'un contact très bon enfant. Bien entendu, les chambrages vont bon train, surtout à chaque but olympien. Ou encore à l'entrée des équipes, quand leurs voisins comparent le tifo sochalien au leur : « Qu'est-ce que c'est, c'est un pin's ? » Cela dit, le stress change de camp au moment des tirs au but. Et en un rien de temps après l'arrêt victorieux de Richert face à Zubar, les voilà seuls dans leur tribune, libres de traverser tout le virage pour aller célébrer enfin avec la moitié sochalienne du public.
Il y a aussi des défaites mémorables. La défaite causant la descente en Ligue 2, contre Évian en 2014, fut d'autant plus cruelle après le plaisir inespéré d'avoir pu obtenir une place au dernier moment. Dans un passé plus récent, le retour du FCSM dans son antre, pour le premier match à domicile 2023-24, a aussi livré à Bertrand son lot d'émotions, de celles qu'on n'oublie pas. Dans un Bonal à la ferveur presque bizarre vu la défaite 0-3 imposée par GOAL FC, il s'écoute répéter avec émotion, comme pour s'en convaincre : « On est là. »
L'impression de retour à la vie qu'il éprouve ce soir-là fait suite au cataclysme de l'été 2023. Quand le verdict de la DNCG tombe, Bertrand ne s'y attend pas. Les Lionceaux sortent alors d'une « fin de saison pourrie », mais la prise de conscience générale lui donnait l'espoir de voir le tir corrigé pour l'exercice suivant. Puis, soudain, il lit des alertes en cascade sur son téléphone. Il réagit d'abord par le déni : l'argent va forcément arriver… Mais voyant que plus rien ne se passe, il déchante.
Avec sa fille, qui l'accompagne depuis quelques temps au stade, ils commencent à se dire que « c'est foutu ». Ils se rendent ensemble à Bonal le 14 juillet, pour pouvoir échanger avec d'autres supporters. Bertrand voit des hommes parfois plus âgés que lui pleurer : « A côté de nous, il y avait deux frères quinquagénaires, totalement effondrés. Ils sont restés assis tout le long de la manifestation et ont dû vider au moins deux paquets de mouchoirs. » L'atmosphère de cet après-midi lui revient, avec l'émission spéciale d'Hervé Blanchard sur France Bleu, et les pensées pleines d'une incertitude insupportable : le temps qu'on remonte, il va se passer dix ans, et encore, si un repreneur arrive...
Bertrand était pourtant conscient du danger qui pesait sur le club. Il a d'ailleurs adhéré à Sociochaux dès sa création, en 2018. Mais la violence de son angoisse jusqu'au miracle du sauvetage est révélatrice : le club est bien plus important dans sa vie qu'il ne le pensait jusque-là. Il doit bien se l'avouer quand sa femme décèle une réelle baisse de moral ; pourtant, il parle assez peu... En fait, son rapport au FCSM ne se limite pas à venir au stade. Bien entendu, il aime le football, ses aspects techniques, tactiques. Mais autre chose se joue, sur le terrain des valeurs, du lien social. Le club existe avant tout par les gens qui s'y reconnaissent et, chacun à leur niveau, s'y investissent.
Quand est lancé l'appel de fonds des Sociochaux dont l'ampleur l'étonne encore aujourd'hui, il appelle tous ses proches. Ce sont pour la plupart des gens originaires de la région, mais tous ne sont pas footeux et ne connaissent pas la situation : pourtant, plusieurs se décident à participer car, lui répondent-ils, « ça ne peut pas s'arrêter ». Pour Bertrand, cela montre qu'il ne s'agit pas uniquement de football… Lui n'a pas hésité longtemps à répondre à l'appel de fonds, puisqu'il est le socio n°135. « Sociochaux a été monté en prévision de ce moment-là. Participer, c'était juste valider en 2023 mon engagement pris en 2018. »
Rejoignant un propos récent de Jean-Claude Plessis (lors de la rencontre entre dirigeants et socios le 13 avril 2024 à la MALS de Sochaux), il estime que peu de clubs pourraient reproduire ce qu'a fait le FCSM pour se sauver, 5 ou 6 en France tout au plus. Il faut une histoire longue, un noyau uni de supporters, des valeurs suffisamment fortes, un capital sympathie important… Il faut aussi les bonnes personnes : « ce qu'ont fait Jean-Claude Plessis et Pierre Wantiez, c'est tout simplement fou. Leur énergie, leur carnet d'adresses, leur connaissance du milieu du foot sur tous les aspects est unique. Ne les oublions jamais. »
Désormais, il regarde l'avenir avec plus de confiance. Il a bien été surpris par le départ de Pierre Wantiez. D'une manière générale cependant, les dirigeants semblent vouloir s'inscrire dans la durée, en sachant déléguer la direction opérationnelle aux personnes compétentes. Et le projet économique tient la route : on n'est plus sous la houlette de l'un de ces dirigeants qui brûlent de l'argent qu'ils n'ont pas, et qui mettent en péril chaque année un nombre grandissant de clubs. Il admet par ailleurs que si ces questions l'intéressent forcément en tant que supporter, il n'est pas en capacité de maîtriser tous les ressorts des décisions prises, alors il va laisser faire et observer. Avec un œil attentif bien sûr car à Sochaux, sourit-il en coin, on a appris à être prudent. D'un point de vue sportif, il observe attentivement le changement d'entraîneur. Oswald Tanchot a été l'homme de la situation au début, mais pour Bertrand, son départ devait être acté dans son esprit dès le début de 2024 : il a joué le jeu, mais quelque chose dans sa situation ne lui allait plus. Le choix de Karim Mokeddem, un entraîneur sans doute surmotivé par le fait qu'on lui donne véritablement sa chance pour la première fois, lui semble pertinent.
Il réserve son dernier mot à la TNS, qui a fait « un travail louable » cette année pour offrir à Bonal la meilleure ambiance qu'il ait connue. Il a en mémoire bon nombre de soirées ternes par le passé, où l'on entendait plutôt des sifflets que des encouragements. Le public a par ailleurs rajeuni, des familles reviennent… Décidément, depuis un an, quelque chose a changé.
Bertrand ajoute cette dédicace : “Je dédie ce témoignage à Christian Robert qui nous a quittés en février 2020 et qui m’a transmis sa passion inébranlable pour le FCSM.”